Il est des trajectoires passionnées qui jalonnent le divin service du vin. Comme celle qui, par exemple, a conduit Véronique Günther-Chéreau à passer des tubes à essais de sa pharmacie aux goûteux rendez-vous du melon de Bourgogne. Sa fille, Aurore, l’épaule avec brio. « Mon grand-père, Bernard Chéreau, s’était rendu propriétaire, en 1974, des terres à vignes du Coing de Saint Fiacre, puis de celles du Grand Fief de la Cormeraie et du Château de la Gravelle » déclare Aurore Günther-Chéreau, avant de souligner avec un brin d’humour, que Véronique, sa chère maman, avait dû la faire « tomber à sa naissance dans quelque cuve où mijotait le melon de Bourgogne. » Et de préciser que « de façon tout à fait naturelle » elle avait donc « entrepris des études d’œnologie ».
Du pouvoir de l’audace
De cet entretien, est apparue l’idée que l’entreprise familiale Günther-Chéreau s’attache avant tout à comprendre « l’intelligence des éléments-nature que recèle un vignoble ». Relier les muscadets de trois terroirs distincts à tout ce qui participe à l’obtention du produit recherché, prend alors tout son sens. C’est reconnaître que chaque terroir, avec ses propres paramètres géologiques et climatiques, introduit des spécificités que transmet la vigne. Hypothèse de travail qui donnera naissance, chez Véronique Günther-Chéreau, à une trajectoire professionnelle aussi passionnée qu’audacieuse. Dès 1990, elle vend son officine pour s’investir dans une rude tache: donner une nouvelle dimension qualitative aux vins de la propriété, puis, en 2003, date de la retraite du père, prendre en charge la commercialisation. Investissements couronnés de succès. « Nous sommes fières des coups de coeur 2020 et 2018, ce dernier particulièrement réussi, pour lequel nous nous sommes beaucoup investis , nous et toute l’équipe qui travaille à la vigne». Aurore, à qui reviendra le soin de cornaquer le vignoble familial, songe déjà à « perfectionner l’organisation et la mise en place des compétences et savoir-faire ».
Respect de la diversité
Jugé parfois, au pire comme « vin de troufion » ou, au mieux, comme « vin de comptoir », le muscadet a été victime d’appréciations injustes. Aurore Günther-Chéreau qui, depuis 2010, ouvre à ses clients les portes de l’œnotourisme, s’insurge contre de tels jugements. « Voilà vingt ans que nous travaillons à l’amélioration de nos vins et de nos terroirs. Notre importante clientèle privée en est consciente». Louables efforts pédagogiques où Aurore s’emploie à délivrer les secrets des terroirs. Ceux de schistes et de gneiss de l’ historique propriété du Coing, inscrite à l’inventaire des monuments historiques, ceux de La Gravelle, pierre à fleur de sel et roche volcanique, qui avoisinent un moulin à vent du XIIème siècle dont les ailes vibrent aux vents médecins de l’Atlantique. Déguster ainsi ces muscadets, c’est écouter des histoires gravées dans les profondeurs du terroir. Mais c’est aussi combattre pour « la vraie défense de l’appellation » et se rebeller contre les idées restrictives dont elle est victime.
♥ Le coup de cœur : Muscadet Sèvre et Maine, Château de la Gravelle Gorges 2018